L'agence virtuelle pour le marketing social et les grandes causes humanitaires

Belle
C'est un mot qu'on dirait inventé pour elle
Quand elle danse et qu'elle met son corps à jour, tel
Un oiseau qui étend ses ailes pour s'envoler
Alors je sens l'enfer s'ouvrir sous mes pieds

Luc Plamondon, extrait de Notre-Dame de Paris


 

Dernière mise à jour : le 15 septembre 2007


Soap Opera

Mission

Mot du parrain,
Uli Wiesendanger

Mot de Jacques Bouchard, fondateur
de Sociétal

C.V. de Richard Leclerc

Archives et réalisations

Cours de marketing social
Université de Montréal

Cours de marketing social
Université Senghor
Alexandrie

Cours éléments de publicité
Université de Montréal

Des pubs pour
vous inspirer...

Opération
Renaissance


info@publiciterre.org

Hit-Parade

Retour à l'accueil

Belle, mon premier roman
Au tournant du millénaire, j'ai eu une idée de scénario de film portant sur l'histoire d'une jeune chanteuse québécoise, Charlie, qui joue le rôle de Marie-Jeanne, la serveuse automate, dans la deuxième version de Starmania à Paris, en 1980. J'ai profité de voyages en France, en 2001 puis en 2002, pour faire du repérage photographique, décidant finalement de l'écrire sous la forme d'un roman. Puis, pendant cinq longues années, ce manuscrit est demeuré dans mes tiroirs jusqu'à ce que, en août dernier, je décide sur un coup de tête de prendre un temps d'arrêt d'une semaine à Cuba pour enfin retranscrire ce texte à l'ordinateur, et en profiter pour y apporter quelques changements.

Voici donc le premier chapitre de ce travail que je publie sur Internet afin de récolter vos commentaires... N'hésitez pas à me les transmettre en m'écrivant à l'adresse suivante : richard@publiciterre.org.


Belle. Étendue dans un lit, nue, elle dort. Un rayon de soleil caresse son corps. Un sourire permanent semble imprimé sur ses lèvres. Elle est vraiment belle. Il l'aime. Il ne peut plus s'en passer. Il s'approche et, délicatement, embrasse sa joue. Elle s'étire langoureusement, ouvre les yeux, pose sur lui un regard enjoué. Elle l'attire doucement vers elle en tirant le cordon de son peignoir. Le noeud se défait. Le vêtement glisse lentement. Il s'étend près d'elle. Elle frôle sensuellement son cou avec son nez, lèche le lobe de son oreille et le retourne résolument sur le dos, prenant le contrôle de la situation.

Sans un mot, sa bouche s'approche de sa bouche. Sa langue pénètre résolument entre les lèvres de l'homme, surpris d'être ainsi pris, prisonnier de tant de charmes. Elle se redresse, caresse son pénis, appréciant son érection. Réjouie de l'effet qu'elle lui fait, elle mouille lascivement deux doigts qu'elle enfouit ensuite dans son vagin pour l'humecter. Elle soulève ensuite ses hanches pour s'installer au-dessus de son partenaire et s'empaler gracieusement... Elle amorce alors un léger mouvement de va-et-vient régulier, écoutant les soupirs de plaisir de son amant. Il la prend par les hanches pour accentuer l'oscillation. Sans rien brusquer cependant. Tout doucement, tout lentement. Puis, au bout d'un moment, ils jouissent simultanément, fortement, passionnément, la belle s'écrasant ensuite sur son corps inanimé.

Ils sont là, tous les deux, à Meursault, dans la chambre 2 du petit hôtel Les Charmes et ils font l'amour pour la xème fois. Ils ne savent plus très bien. De fait, c'est leur première nuit ensemble. Ils se sont rencontrés au Québec, il y a peu de temps. Ils chantent tous les deux dans l'opéra-rock du compositeur Michel Berger et du parolier Luc Plamondon : Starmania. Charlotte Leduc alias Charlie, une jeune chanteuse de 20 ans, y joue le rôle de Marie-Jeanne, la serveuse automate. L'auteur l'a découverte alors qu'il était membre du jury au Festival de la chanson de Granby. Il a tout simplement été renversé par la qualité de son interprétation. Ce qui lui a d'ailleurs mérité le premier prix. Ce n'est pas la première fois que Luc Plamondon amène des Québécoises à Paris... Diane Dufresne, Fabienne Thibeault, Nanette Workman, pour n'en citer que quelques-unes. Depuis les débuts de la célèbre comédie musicale, la plupart des artistes québécois qui ont fait partie de la distribution, à Montréal comme en France, ont connu beaucoup de succès. C'est la même chose pour les Français. Après France Gall, la conjointe de Michel Berger, Daniel Belavoine et bien d'autres, c'est au tour d'Arnaud Lecomte d'endosser le rôle de Ziggy, le disquaire mythomane, sur la scène du Théâtre de Paris. Il a 28 ans, marié, père d'un petit garçon de quatre ans. Sa carrière redécolle avec Starmania.

Mais là, il est en Bourgogne. à 300 km de Paris et de sa petite famille. Avec Charlie. Charlie jolie, de huit ans la cadette d'Anne, la femme qu'il aimait et qu'il a épousée il y a six ans déjà. La mère de Cantin, son fils, qu'il adore. Anne, la femme de tête. Rationnelle, organisée, froide... Prise davantage par son travail que lui par sa carrière, il lui semble. Peut-être que cette vie de tournées ne convient pas à celle, sédentaire, de l'avocate d'un grand cabinet de Paris, fille d'un ex-ministre gaulliste. Un appart dans le XIVe, avec vue imprenable sur la Tour Eiffel. élevée dans le luxe, sans jamais avoir subi de contrainte matérielle. Jusqu'à ce que cette Charlie ne vienne bouleverser le cours de leur vie.

o

Charlie n'en revient pas encore. Elle dépose le combiné de l'appareil téléphonique puis, pousse un cri de joie! On vient de lui annoncer qu'elle est retenue pour faire partie de la nouvelle troupe de Starmania à Paris. Elle se précipite vers sa mère qu'elle entraîne dans une farandole.

- Maman, maman! Tu as devant toi la nouvelle serveuse automate!

Andrée prend sa fille dans ses bras et la serre très fort. Combien de sacrifices, combien d'heures ont été consacrées à cette jeune carrière par des parents aimants. Soudain, le rêve de son bébé, de sa fille unique, se réalise. Elle va donc quitter la maison pour la France... à la fois heureuse et émue, mille images surgissent dans sa tête. Elle revoit Charlotte en petite robe à dentelles, interprétant les chansons de ses idoles alors qu'elle n'avait que six ans, remportant son premier concours amateur. Que de chemin parcouru depuis! En si peu de temps malgré tout. Combien d'allées et venues pour la conduire, trois fois par semaine, à des cours de chant. Que de temps, que d'argent aussi, investis. Que de spectacles, que de festivals. Heureusement, Charles est dentiste. Il gagne bien sa vie et il a eu les moyens de subvenir à leurs besoins, même avec tous ces petits extras.

Les dernières années ont été cruciales pour Charlotte. Inscrite à l'école de musique de Vincent-d'Indy de l'Université de Montréal, elle a réussi très jeune son baccalauréat, a été boursière du lieutenant-gouverneur du Québec et, finalement, récipiendaire du premier prix d'interprétation à Granby. Elle y avait chanté, entre autres, Stone, la très belle chanson du duo Berger-Plamondon, popularisée par Fabienne Thibeault. Il fallait avoir du cran et beaucoup de talent pour affronter le déjà célèbre membre du jury avec l'une de ses plus belles chansons. Luc avait été conquis par la justesse de sa voix, mais surtout par sa profondeur. Toute menue, il fallait en effet à Charlie une technique impeccable pour livrer ce texte avec puissance, sans la corpulence de Fabienne. Bref, Plamondon l'avait invitée, quelques mois plus tard, à l'audition montréalaise où Michel Berger et lui allaient sélectionner les quelques interprètes québécois pour la nouvelle distribution parisienne.

Dans la cuisine familiale, Charlie est heureuse. Malgré tout son talent, elle n'a pas encore réussi à se trouver un producteur de disques qui lui offre sa première chance. Pas facile non plus, quand on ne compose pas soi-même ses chansons et qu'on est encore peu connue, de trouver des textes intéressants. L'agent qui l'a appelée tantôt lui a aussi annoncé qu'un nouvel enregistrement de Starmania allait être fait au Studio André Perry, à Morin-Heights. Sa voix allait donc être entendue non seulement au Québec, mais aussi à travers toute la francophonie! Une chance inou•e. Vraiment.

o

Par un bel après-midi ensoleillé, Andrée et Charles conduisent Charlotte dans les Laurentides, au nord de Montréal, à ce magnifique studio, perdu au milieu des bois, près d'un petit lac. Beaucoup d'artistes québécois y ont réalisé de superbes disques, comme Jean-Pierre Ferland, Robert Charlebois, Ginette Reno... Même de grandes vedettes internationales, comme John Lennon, David Bowie, Keith Richards, Cat Stevens et le groupe The Police ont succombé aux charmes de l'endroit, atterrissant à l'aéroport de Mirabel, tout près, pour y créer quelques bijoux. Perry offre en effet aux grands de ce monde, avec le concours de son ami Donald K. Donald, producteur de spectacles au célèbre Forum de Montréal, un service hors-pair : limousine disponible en tout temps, hébergement dans l'annexe du studio, grand chef pour préparer des repas gastronomiques et une carte de vins dont plusieurs restaurants seraient jaloux. On peut même se procurer facilement certaines substances illicites...

C'est donc dans cet environnement de rêve que Charlotte devient Charlie! Que la petite chanteuse de Sutton, dans les Cantons de l'Est, franchira la porte de la scène internationale. Luc Plamondon, avec son intuition sans pareille pour lancer la carrière de nouveaux artistes, lui avait recommandé, le soir de la remise des prix à Granby, de changer de nom.

- Charlotte Leduc, ça ne fait pas trop commercial, lui avait-il dit. As-tu un surnom ou un autre nom que tu aimerais?
- Mes parents et mes amis m'appellent Charlie, avait-elle répondu.
- Charlie! Magnifique!! Les Français vont adorer.
- Les Français? Mais je suis même pas connue au Québec encore...
- Charlie, je t'invite à te présenter à l'audition de Starmania, au printemps, à Montréal.

Encore étourdie par le prix qu'elle venait tout juste de remporter, Charlotte était restée muette, se demandant si monsieur Plamondon ne se moquait pas un peu d'elle.

La Volvo familiale enfile l'allée qui mène au studio. On aperçoit alors cette construction qui ressemble davantage à un chalet, très grand il faut l'avouer, bien intégré à son environnement. Plamondon et Berger accueillent personnellement les artistes qui arrivent à tour de rôle. Une limousine est déjà stationnée devant l'entrée principale. Une jeune femme, très bcbg, tenant un ravissant petit garçon par la main, accompagne un homme que Charlie a l'impression de connaître. Un chanteur français, se dit-elle. J'ai son nom sur le bout de la langue, mais je ne parviens pas à m'en souvenir, pense-t-elle encore. Voyons, que chante-t-il déjà? C'est trop bête...

- Charlie! s'écrie Luc Plamondon en la voyant arriver, prêtant à peine attention aux parents. Viens que je te présente!

Il entraîne Charlotte qui n'a pas le temps de placer un mot et la voilà face à face avec ce bel homme, fort intimidant.

- Tu dois certainement reconnaître Arnaud Lecomte? Son épouse Anne et le petit Cantin, qui fait son premier voyage en Amérique, ajoute-t-il en tapotant la tête du garçonnet.
- Enchanté monsieur Lecomte. Je suis l'une de vos fans inconditionnelles, ment-elle.

Les yeux d'Arnaud sont perçants, brillants. Charlie se sent soudain toute menue, pour ne pas dire toute nue, devant Arnaud qui la déshabille du regard. Confuse, surtout qu'elle est très légèrement vêtue, les joues rougies, elle se tourne maladroitement vers Anne et Cantin.

- Bonjour madame. Bonjour Cantin ajoute-t-elle, se penchant pour lui serrer la main. Mais celui-ci s'engouffre sous les jupes de sa mère.
- Il faut l'excuser. Il est fatigué du voyage. Le décalage... Et ces cons de douaniers qui ont fouillé tous nos bagages! ajoute Anne encore outrée.
- Ce n'est rien, dit enfin Arnaud qui n'avait pas encore remué les lèvres. Nous voilà enfin arrivés à bon port et en très bonne compagnie, ne cessant de dévisager Charlie pendant tout ce temps.

André Perry, suivi de deux jeunes garçons costauds, s'amène, souriant.

- Bienvenue à Morin-Heights. Je m'appelle André Perry, producteur, révèle-t-il en distribuant des poignées de main. Allons, ne restons pas là. On va s'occuper de vos affaires. Suivez-moi au salon où d'autres invités sont déjà arrivés. Vous prendrez bien un apéro? questionne-t-il en se tournant vers les parents de Charlie.
- Non merci, nous allons retourner à la maison avant d'être pris dans la circulation, répond Charles.
- Allez chérie, ajoute Andrée en embrassant sa fille, on va vous laisser entre artistes. Passe un beau séjour et appelle-nous pour qu'on vienne te chercher quand tout sera terminé. Au revoir tout le monde, au revoir Cantin, dit-elle avec un grand sourire.
- Et bon travail! de conclure Charles.

Puis, Luc, Michel et André entraînent Arnaud, Anne, Cantin et Charlie vers une grande pièce toute vitrée, avec vue sur le petit lac privé, ensemencé de truites, entouré de bouleaux et d'épinettes. Un décor enchanteur, comparé aux studios traditionnels des grandes villes, où la tendance est plutôt d'enfermer le son dans des cages de béton tapissées de matériaux absorbants. Charlie, qui a visité très peu de studios et même Arnaud, qui a quand même déjà enregistré plusieurs disques, n'en reviennent pas de voir tout cet équipement dernier cri et toute cette lumière qui entre par la baie vitrée. Vraiment pas traditionnel ce Perry, songe Arnaud, alors qu'Anne semble plutôt indifférente devant tout cet étalage technologique et la beauté de la nature qui l'entoure. Puis, ils atteignent la grande pièce où se trouvent déjà d'autres interprètes de la troupe qui créera bientôt ce nouveau Starmania à Paris.

o

Bien installée devant son micro, coiffée de gros écouteurs, le soleil filtrant entre les branches des arbres sur le lac derrière elle, Charlie chante...

Ziggy, il s'appelle Ziggy
Je suis folle de lui
C'est un garçon pas comme les autres
Mais moi je l'aime, c'est pas de ma faute...

De l'autre côté de la vitre, derrière la console remplie de boutons de commande, Nick Blagona, l'ingénieur du son, entouré de Luc, Michel, André et Arnaud, apprécie la qualité de la voix de Charlie. Nick pousse quelques manettes, modulant subtilement la voix de Charlie jusqu'à ce qu'il obtienne un son d'une clarté impeccable.

Luc et Michel échangent un sourire, fiers de leur choix. Arnaud est aussi sous le charme de cette voix qui interpelle son personnage, puisqu'il personnifie Ziggy. Mais aussi cette beauté si simple et sans artifices que lui offre le visage de Charlie. Anne est aussi très jolie, mais plutôt artificielle. Parisienne solidement attachée à un réseau de soins cosmétiques très coûteux, son visage puis son corps étant, depuis qu'elle a accouché de Cantin, constamment manipulés par une armée de spécialistes de l'industrie très lucrative de la beauté. Malgré un maquillage qui lui va à ravir, elle a perdu ce côté naturel qu'elle avait il y a près de dix ans quand il l'a rencontrée la première fois et qu'il redécouvre aujourd'hui chez Charlie.

Une Anne aigrie aussi par ce voyage au Québec, pourtant son premier. Au mois de juin. Ridicule. Ce n'est même pas le temps des vacances encore. Paris ferme pour le mois d'août. Tout le clan familial émigre alors vers la Côte d'Azur, à Antibes. Le cabinet d'avocats qui l'embauche, tout comme l'exercice de la justice, roule alors au ralenti. Mais comme Arnaud sera en répétition pour ce foutu spectacle qui prend l'affiche en septembre, il ne sera pas du voyage cet été. Quel drôle de boulot : pas d'horaire précis, des tournées à tout moment et toutes ces filles qui rôdent autour de son homme si séduisant. Elle n'a pas voulu le laisser traverser l'Atlantique seul, ne lui faisant plus confiance depuis quelques temps. Les Québécoises sont très jolies, lui a-t-on dit. Un peu inquiète, elle s'est donc organisée pour transférer ses dossiers urgents à un collègue, puis elle s'est informée pour savoir ce qu'elle pourrait faire autour de Montréal avec Cantin. Elle pourrait ainsi découvrir un nouveau pays tout en gardant un oeil sur Arnaud.

Elle ne s'était cependant pas imaginée que le Québec était si grand. Elle croyait qu'elle pourrait, comme le pensent beaucoup d'Européens, se rendre à la ville de Québec pour une journée, faire le tour de la Gaspésie le lendemain, puis ensuite se rendre aux chutes du Niagara et terminer son séjour par une razzia des boutiques de New York, juste au sud de Montréal. André Perry avait bien souri quand elle avait exprimé ses désirs au petit déjeuner. Il mettait à son service limousine, chauffeur et guide pour se rendre dormir au moins quelques nuits à Québec pour bien découvrir la ville, et découvrir la région de Charlevoix, mais pour ce qui est de la Gaspésie, il faudrait au moins une semaine! Niagara étant à l'opposé de Gaspé, vers l'Ouest plutôt que vers l'Est, il faut compter trois, quatre jours supplémentaires. Quant au shopping, ou magasinage comme on dit au Québec, à New York, on peut s'y rendre en une heure environ... en avion. Mais là encore, il faut compter quelques jours. Elle qui voulait découvrir l'Amérique!

Tout n'allait vraiment pas comme le souhaitait Anne. Il n'y avait rien à faire dans ces Laurentides de malheur! Et de plus en plus de mouches noires monstrueuses l'attaquent chaque fois qu'elle met le nez à l'extérieur. Sans compter cette Charlie que son mari semble trouver charmante... Assise dans la limo, accompagnée de Cantin, Anne semble indifférente aux images qu'offre Montréal. Son fils, de son côté, a les deux mains et le nez collés contre les vitres et il observe la ville qui défile. Il se retourne vers sa mère, souriant. Anne est absente. Son esprit est visiblement ailleurs.

À son tour, Arnaud est au micro, en compagnie de Charlie. Il lui chante que l'amour entre eux est impossible puisque Ziggy est gay. Charlie l'écoute attentivement, attendant le moment de donner sa réplique. Elle l'observe. Il est bel homme. Depuis son arrivée, elle a souvent senti son regard se poser sur elle, malgré la présence d'Anne et de Cantin. Pendant le repas, la veille, ils étaient assis l'un en face de l'autre. Lui à côté de sa conjointe qui, fatiguée de la traversée, était allée se coucher plus tôt avec son fils qui s'était assoupi à table. Il en avait alors profité pour la questionner, en savoir plus sur elle. Elle l'avait trouvé gentil. Très gentil. Pas prétentieux du tout, malgré sa renommée. Elle avait encore rougi quand il lui avait demandé quelle était sa chanson préférée... Après avoir menti à son arrivée, lui révélant qu'elle était une admiratrice, elle était maintenant prise à son jeu, ne connaissant aucun titre.

Délicieuse. Il la trouvait simplement délicieuse. Épuisé, c'est quand même à regret qu'il avait pris congé pour rejoindre les siens et dormir enfin.

o

Le lendemain matin, Anne s'est réveillée à l'aube, tout comme Cantin, encore victime du décalage. Il est encore tôt au Québec, mais il est près de midi en France. Et leur corps réagit. Arnaud dormait encore quand son épouse l'a réveillé pour lui reprocher une fois encore ce voyage au Québec, à cette date, surtout qu'elle savait maintenant qu'elle ne pourrait pas voir le quart de ce qu'elle avait projeté. C'est donc avec plaisir qu'il l'avait vue partir après le petit-déjeuner et qu'il s'était retrouvé en studio avec Charlie.

Ça lui faisait d'ailleurs tout drôle de jouer le rôle d'un gay et de chanter à la jolie Marie-Jeanne qu'il ne pouvait l'aimer. Déjà, il sentait le désir monter en lui. Le parfum de Charlie, maintenant tout près de lui, l'envoûtait. Il y trouvait l'odeur d'herbe fraîchement coupée, un brin champêtre, comme la nature qui les entourait. Les arbres en bordure du lac se laissaient caresser par le soleil de ce début d'été. On pouvait apprécier les contrastes entre le vert tendre des feuillus et le vert plus prononcé des épinettes. Quel studio! Quel site enchanteur! Et quel son! Sa voix ne lui avait jamais parue si juste, si naturelle. Comme celle de Charlie qui, à son tour, entamait son couplet.

Arnaud n'était pas du genre très... fidèle. Il profitait régulièrement de ses tournées européennes pour vivre, ici et là, des aventures d'un soir. Anne s'en doutait bien. C'était justement sur ces doutes qu'elle avait décidé de le suivre jusqu'à Morin-Heigts. Pendant qu'elle se dirigeait avec Cantin vers Québec, elle avait de plus en plus le pressentiment que Charlie plaisait beaucoup à son mari. L'instinct.

Richard Leclerc

Retour à l'accueil