Histoire d'une campagne de publicité
En septembre 1999, je présentais trois nouveaux concepts publicitaires pour amorcer la phase II de la campagne pour contrer la violence faite aux femmes. Après avoir convenu que nous allions conserver le slogan de la première campagne, La violence, c'est pas toujours frappant mais ça fait toujours mal, nous les avons testés auprès de groupes de discussions. Le message retenu est celui intitulé Égalité.
La pré-production
Publicité Martin a fait appel à trois maisons de production pour évaluer les coûts de sa réalisation en trois versions : cinéma en français, télé en français et en anglais. Une même donnée a cependant été imposée aux trois entreprises : c'est moi qui réalise!
Films Figaro a été retenu. Un argument de poids : on me propose Michel Brault comme directeur de la photographie. J'ai déjà réalisé cinq autres messages publicitaires avec Michel. Trois pour la Banque de Montréal et deux pour la Société de l'assurance automobile du Québec (Fauteuil roulant, campagne La vitesse tue et Coiffeur, campagne À vélo sans casque...). J'en ai gardé d'excellents souvenirs. Ce que je trouve extraordinaire, c'est que l'un des pères (pour ne pas dire ce grand-pères - il est âgé de 71 ans) du cinéma québécois, réalisateur de dizaines de films connus, dont Les Ordres, accepte de sortir d'une année sabbatique grandement méritée pour venir éclairer ce message. Avec le goût de vouloir innover, encore. J'ai l'impression de recevoir, à chacune de ses présences sur le plateau, une leçon de cinéma. Je lui en serai éternellement reconnaissant! À noter également le travail du producteur, Pierre Caumartin.
Autre aspect important dans la préparation d'un tournage, c'est la sélection des comédiens. Recommandée par les trois maisons de production, Emmanuelle Beaugrand-Champagne nous a présenté, en audition, des adolescents de grand talent. J'ai reçu une cinquantaine de jeunes, jumelés par couple. Je leur ai fait la mise en situation suivante : la jeune fille a travaillé toute la soirée chez elle à un devoir de math; ne pouvant obtenir, au téléphone, d'aide de sa meilleure amie, elle appelle le meilleur de la classe, Stéphane. Pendant ce temps, son amoureux tente de l'appeler et la ligne est toujours occupée. La scène commence le lendemain matin, quand le garçon retrouve sa copine à la cafétéria de l'école. Il a perdu sa soirée et lui fait savoir qu'il n'est pas content. Il l'engueule, l'accuse, l'humilie, tente de la dominer psychologiquement... Ce fut souvent très touchant. Je n'ai pas eu de difficultés à sélectionner mes trois couples : un straight, un techno et un punk. Je voulais ainsi démontrer que, peu importe l'origine sociale, le problème de la violence peut exister.
La production
Pierre Caumartin, producteur de Films Figaro, a aussi agi comme assistant-réalisateur. Il m'a bâti une équipe de vieux pros. Ce fut probablement le tournage avec le plus d'expérience sur le plateau, avec Michel Brault en tête. Le 26 octobre fut pour moi une journée mémorable, dans les studios Moliflex à Montréal. À noter les décors très épurés, en gris et blanc, de Steeve Henry.
Mon plan de tournage était simple : chaque couple devait jouer six séquences que j'avais préparées. C'était de petites scènes, dont celle de l'audition, que je leurs faisais répéter deux ou trois fois, jusqu'à ce que j'obtienne l'émotion recherchée. Michel Brault, de son côté, avait choisi une lentille montée sur un soufflet, qui permet d'obtenir une partie de l'image au point pendant que le reste est floue. Je voulais en effet laisser comme impression que la caméra nous faisait découvrir des gestes plus souvent intimes et cachés.
Les six jeunes ont été magnifiques! Il s'agit de Amélie B. Simard, Marc-André Grondin, Sabrina Baran, Sacha Bourque, Christelle Desbiens et Pier-Olivier Bélanger. Très souvent, Jocelyne Charest et Diane Lacroix, représentantes du Ministère de la Santé et des Services sociaux, ont été très émues par l'intensité de leur jeu. J'avoue humblement que j'ai moi-même craqué à la toute fin, après avoir terminé la dernière scène avec ma petite punk. Incapable de dire Coupez! Juste de prendre la jeune comédienne dans mes bras et de l'embrasser sur les deux joues et d'essuyer ensuite les grosses larmes qui coulaient le long des miennes. Vous retrouverez cette scène dans la version cinéma, au moment où on peut lire le mot résignation.
La post-production
Une fois les images en boîte, il fallait les traiter dignement. Les images numérisées ont été assemblées chez Splice, par Paul Jutras, un véritable magicien monteur. C'est lui qui nous a mis sur la piste d'une musique techno en assemblant les premières images. Le travail de sélection du monteur est crucial. Il suit les indications du réalisateur, bien entendu, mais c'est lui qui donne le rythme au message. Il faut savoir où couper, en passant d'une scène à l'autre.
Ce premier montage approuvé, on l'envoit au compositeur Sylvain Jacob, de Sonart. Son rôle est d'accompagner les images avec des sons qui sauront rejoindre efficacement la cible visée. Sylvain a admirablement bien saisi mes intentions, influencé par le rythme des images montées sur une musique techno, comme je l'ai dit plus tôt. Il a créé un environnement qui prend toute sa signification dans les salles de cinéma avec son Dolby. C'est Hugo Saint-Cyr, jeune comédien connu pour sa présence dans Watatow, qui a fait la voix hors-champ.
Le tout a été assemblé chez Supersuite par Jean-François Bachand. C'est là, après avoir intégré tous les éléments, qu'on a pu apprécié le produit fini avant sa mise en ondes. En tout, deux semaines passionnantes!
Phase II de la campagne pour contrer la violence faite aux femmes
Voici les trois projets d'annonce pour la phase II de la campagne : Entrevues, Cafétéria et Égalité, la version finalement retenue.
Pour lire sur la campagne précédente, rendez-vous à la page Campagne 1998